Avec des éléments anciens, Robert Bourgi a réussi à créer un impact nouveau grâce à son intervention sur France 24, qui a fait l’effet d’une bombe. Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara savent désormais, grâce aux déclarations de cet acteur de la Françafrique, quel est le choix de Paris pour la présidentielle de 2025 en Côte d’Ivoire… Analyse !
Que Robert Bourgi publie un livre et en fasse la promotion, c’est la nouveauté de la semaine passée. Son passage sur France 24 dans l’émission de Marc Perelman, l’un des journalistes politiques les plus influents sur le continent, est un choix stratégique habile. Cependant, les sujets abordés donnent une tout autre dimension à son intervention, qui s’apparente à une annonce déguisée du choix de Paris pour la présidentielle ivoirienne de 2025.
Et ce choix ne semble clairement être ni Laurent Gbagbo ni Alassane Ouattara, malgré les interprétations erronées que certains proches de l’ancien président ivoirien pourraient avancer.
En effet, en revenant sur le fait que Laurent Gbagbo aurait versé 3 millions de dollars pour la campagne de Jacques Chirac, Bourgi veut démontrer que le chantre du panafricanisme au sein du PPA-CI est loin d’être sincère. « Laurent Gbagbo cherchait à s’attirer les bonnes grâces de la France. Je lui ai dit : « Laurent, il va falloir que tu contribues, fais un geste pour M. Chirac. » J’ai donc organisé un déjeuner au restaurant La Pérouse (situé 51 Quai des Grands Augustins, 75006 Paris, ndlr), en présence de Gbagbo, Villepin et moi-même. »
Attablé avec les dirigeants français et ivoirien, Bourgi aurait déclaré à Dominique de Villepin : « Comme vous me l’avez demandé, je vais demander à Laurent Gbagbo d’apporter son soutien au président de la République. » Gbagbo aurait alors répondu : « Je suis de la famille socialiste, un ami de M. Jospin. Mais Dominique, je contribuerai à hauteur de 3 millions de dollars pour M. Chirac », ce qu’il aurait effectivement fait.
Robert Bourgi affirme ensuite que « Jacques Chirac et Dominique de Villepin ont fait preuve d’une ingratitude sans pareille envers Laurent Gbagbo. Quand Laurent est tombé et qu’il a été conduit à La Haye, j’en ai beaucoup souffert », des propos qui réjouissent les partisans de Gbagbo. Toutefois, ils semblent oublier l’information principale de cette révélation : pendant que les Ivoiriens traversaient des moments difficiles, Laurent Gbagbo distribuait l’argent des contribuables à des politiciens français.
Les tentatives de justifier cet acte par le prétexte d’acheter la paix ne tiennent pas, comme l’a rappelé un écrivain ivoirien en affirmant : « Lorsqu’on refuse, on dit non. » C’est ce double jeu de Laurent Gbagbo qui explique son abandon par les socialistes français lors de la crise de 2010. Robert Bourgi dépeint ainsi Gbagbo comme un homme naïf, incapable d’apprendre de ses erreurs.
La confiance aveugle qu’il a accordée à Guillaume Soro dans la gestion du processus électoral de 2010 illustre cette naïveté. En somme, Laurent Gbagbo ne serait ni aussi rusé que le pensent ses partisans, ni totalement sincère dans sa posture de panafricaniste. L’attribution sans appel d’offres du contrat de modernisation et d’extension du port autonome d’Abidjan à Bouygues est un autre point renforçant cette image.