Sanctions de la CEDEAO contre le Mali : Quelle part de responsabilité pour la junte ?

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Les sanctions adoptées par la Cedeao envers le Mali replacent le pays au-devant de l’actualité internationale. 

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Lors de son sommet extraordinaire tenu hier, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a prononcé des sanctions extrêmement lourdes envers le Mali. Ces décisions interviennent après de longs mois d’attente et de conciliabule entre l’organisme communautaire et la junte. Et pour les observateurs avertis, les mesures annoncées n’ont rien de surprenant au vu de la position statique des militaires au pouvoir dans ce pays du Sahel. Malgré les nombreuses sollicitations des Chefs d’Etat de la Cedeao, relatives au respect du délai pour l’organisation d’un scrutin, les putschistes répondent par une attitude qui frise le mépris. Habitués à commander, c’est naturellement que le colonel Assimou Goita et ses camarades refusent de se plier aux ordres de l’organisation dont le Mali est partie prenante de tous les textes.

Le comportement des militaires, qui n’ont jamais été dans la logique du temps imparti par la Communauté, viole en fait le Protocole de la CEDEAO/A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance. Dans la paragraphe 1 de l’article 45, le texte dispose: « en cas de rupture de la Démocratie par quelque procédé que ce soit et en cas de violation massive des Droits de la Personne dans un Etat membre, la CEDEAO peut prononcer à l’encontre de l’Etat concerné des sanctions ». Dans le cas du Mali, il ne fait l’ombre d’aucun doute que la junte ait choisi de freiner la marche de la démocratie notamment en refusant de procéder au retour des civils au pouvoir dans les meilleur délais. Au lieu de tenir les élections au mois de février comme prévu depuis le départ, le colonel Goita s’est permis d’annoncer une période de transition de 5 puis de 4 ans; ce qui est en rupture même avec ses propres engagements de rendre le pouvoir en début 2022.

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De ce point de vue, les sanctions recourues ne sortent pas du cadre légitime et légal. C’est plutôt une action salutaire si l’on sait que la pression sur les militaires deviendra étouffante au fil des jours. Même si le peuple va en pâtir du fait de la fermeture des frontières et l’embargo exercé sur le pays, l’objectif premier de ses sanctions c’est défendre les intérêts de ce même peuple dont les militaires se jouent à travers leurs humeurs changeantes. Pourtant, il est clair que le départ du président Ibrahima Boubacar Keita a été en grande partie provoqué par les mobilisations des civils qui ont payé au prix de leurs vies. Soif de démocratie et d’Etat de droit, ce que la junte leur propose est de ce fait loin d’être le menu qu’il leur faut.

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Dès lors qu’on ne peut pas faire d’omelettes sans casser des œufs, il faut que les uns et les autres cessent de vivre dans des visions utopiques et surréalistes. Comment peut-on forcer les militaires à rendre le pouvoir sans recourir aux sanctions économiques qui, ma foi, sont plus efficaces que les médiations jusque-là entreprises? Si la junte était attentive aux directives de la Cedeao, les mesures annoncées n’auraient pas eu lieu. Ce n’est pas la première fois que le Mali est confronté à une présence de militaires à la tête du pays, mais c’est la première fois que les putschistes décident de se fixer eux-mêmes la période de transition. Ce serait introduire le loup dans la bergerie que laisser ce forcing des militaires impuni. Il serait bien que la junte malienne sache qu’on ne peut pas marchander avec les idéaux démocratiques, ni faire des surenchères en se cassant derrière un populisme sans intérêt pour le peuple. Motiver la non-organisation d’élection par la situation sécuritaire est tout aussi impertinent si l’on sait que bien des élections se sont tenues dans des périodes de guerre quelque part dans le monde et ont été parfois le déclic pour le retour de la paix.

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Contrairement à ce qu’a annoncé hier le porte-parole de l’Etat malien, les sanctions sont tout à fait normales, quoique difficiles pour le peuple. Si les dirigeants actuel du pays sont soucieux du bien-être de la population, ils ne devront pas laisser les mesures se répercuter sur celle-ci, et le moyen de les éviter c’est de jouer franc-jeu avec la Cedeao afin de rendre le pouvoir aux civils. Malgré tous les commentaires soulevés, la junte militaire est le seul à devoir endosser la responsabilité de tout ce qui devra émaner des sanctions mises en place par l’organisme communautaire. L’égoïsme et la boulimie du pouvoir ne doivent pas pousser à davantage étouffer un pays déjà durement éprouvé par une situation sécuritaire difficile.

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